Hugo et les romantiques | |
En 1835, Hugo est célèbre même en Angleterre, c’est donc assez naturellement qu’une Anglaise, Madame Trollope, en voyage en France, s’informe de l’opinion que les Français ont du grand homme ; voici ce qu’elle rapporte dans Paris et les Parisiens : |
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Même parmi les romantiques, les opinions ne sont pas unanimes. Image d’Épinal pour commencer : Hugo voyageait quelquefois en compagnie de Nodier : |
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Lamartine est également un fidèle du début ; Hugo et lui sont nommés Chevaliers de la Légion d’honneur en même temps ; il donne des conseils au jeune romancier qui vient de publier Han d’Islande en 1823 : "Je le trouve aussi trop terrible ; adoucissez votre palette ; l’imagination, comme la lyre, doit caresser l’esprit ; vous frappez trop fort : je vous passe ce mot pour l’avenir." Il manifeste son admiration à l’égard de Notre-Dame de Paris en 1831 : "C’est le Shakespeare du roman, c’est l’épopée du Moyen Age […]. L’auteur grandit à mes yeux de mille coudées par ce livre ! Il est plus haut que vos tours de Notre-Dame." De même, il écrit, à propos des Voix intérieures le 10 juillet 1837 : " En vous lisant, je me sens fortement tenté de ne plus écrire de vers ; car il y a là des pages que l’on ne peut qu’admirer sans songer à les égaler." La publication des Misérables, en revanche, n’a pas son entière approbation : "Le livre est dangereux non seulement parce qu’il fait trop craindre aux heureux mais parce qu’il fait trop espérer aux malheureux." Mais on verra que ce roman s’attirera des critiques quasi unanimes. (citations par S.Grossiord, Victor Hugo « Et s’il n’en reste qu’un… », Paris, Gallimard, coll. Découvertes, 1998) |
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Vigny lui aussi est sensible aux vers de Hugo : « J’ai dévoré vos Ballades, cher ami ; je les lis, je les chante, je les crie à tout le monde, car j’en suis ravi […] ! Après le sublime qui se rencontre si souvent dans vos odes, quel repos enchanteur en entrant dans ce pays magique! » (citations par S.Grossiord, Victor Hugo « Et s’il n’en reste qu’un… », Paris, Gallimard, coll. Découvertes, 1998) |
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En revanche, Balzac n’aime pas Notre-Dame de Paris : « Je viens de lire Notre-Dame […], deux belles scènes, trois mots, le tout invraisemblable, deux descriptions, la belle et la bête, et un déluge de mauvais goût – une fable sans possibilité et par-dessus tout un ouvrage ennuyeux, vide, plein de prétention architecturale. » Ruy Blas ne lui plaît pas davantage : « Ruy Blas est une énorme bêtise, une infamie en vers, jamais l’odieux et l’absurde n’ont dansé de sarabande plus dévergondée. […] Je n’y suis pas encore allé, je n’irai probablement pas. » (Lettre à Mme Hanska) (citations par S.Grossiord, Victor Hugo « Et s’il n’en reste qu’un… », Paris, Gallimard, coll. Découvertes, 1998) De son côté pourtant, Hugo semble considérer Balzac comme un ami et un génie, c’est lui qui se précipitera chez le romancier à l’agonie pour une dernière visite qu’il rapporte. C’est lui encore qui prononcera son éloge funèbre, dont voici un extrait : |
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Hugo, chacun le sait, voulait être « Chateaubriand ou rien ». Dans sa jeunesse il rendait visite à son illustre maître, « pauvre petit diable, comme à l’ordinaire fort malheureux, avec ma mine de lycéen épouvanté », confronté à la méchanceté de madame de Chateaubriand. Aussi prend-il un malin plaisir à rapporter qu’à la fin de sa vie le grand précurseur était presque en enfance et qu’aux obsèques de son épouse : « Il alla au service funèbre et revint chez en riant aux éclats. “ – Preuve d’affaiblissement du cerveau, disait Pilorge. – Preuve de raison ! reprenait Édouard Bertin ; sa femme était très méchante, il était enchanté .” » |
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Quant à Sainte-Beuve, on sait que sa liaison avec Adèle Hugo fut fatale à une amitié qu’Hugo exprimait ainsi en juillet 1831 : « Je ne sais plus où j’en suis avec les deux êtres que j’aime le plus au monde. Vous êtes l’un des deux. […] Je vous aime en ce moment plus que jamais, […] je me hais d’être fou et malade à ce point » Dès 1834, dans un article de La Revue des Deux-Mondes consacré à Mirabeau, le critique mentionne Hugo et les « succès fatigués de ses derniers drames », « ce qu’il y a de fausseté dans sa puissance ». Ce qu’Hugo considère comme une preuve d’envie. Mais les critiques ne s’arrêtent pas, qu’il agisse de Ruy Blas : « Je n’ai pas vu Ruy Blas, ne le verrai ni ne le lirai. Je sais d’avance tout cela. […] L’effet, du reste, est mauvais. Il y a dérision publique, non seulement sur la pièce mais sur l’homme », de la réception d’Hugo à l’Académie Française en 1841 : « la fameuse réception et, comme je l’appelle, le sacre de Victor Hugo à l’Académie a eu lieu. Ç’a été lourd, de sa part, et tout simplement ennuyeux. » Ironie du sort, c’est Hugo qui répondra à Sainte-Beuve quand, celui-ci, à son retour, deviendra académicien. De manière générale, Sainte-Beuve reproche à Hugo de ne faire cas que de puissance non pas la puissance de l’esprit, mais une force physique, une « carrure ». |
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Alexandre Dumas naquit également quand « ce siècle avait deux ans » ; son amitié avec Hugo fut orageuse. C’est d’abord la rivalité au théâtre où l’un et l’autre sont les figures de proue du drame romantique. Mais c’est aussi, en 1830, la collaboration d’Hugo et Vigny pour modifier Christine tandis que l’auteur dînait avec ses invités : |
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Mais la brouille est imminente : un proche de Hugo accuse Dumas de plagiat pour Les trois Mousquetaires en 1833. Réconciliation et brouillent se succèdent ensuite : 1838, Hugo et Dumas fondent la Société des gens de lettres avec Balzac et George Sand. 1852, Dumas et Hugo trouvent refuge à Bruxelles après le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte. Dumas accompagne Hugo à Anvers où ce dernier s’embarque pour l’Angleterre. Un poème des Contemplations évoque d’ailleurs le départ pour Londres (pour le lire). Dumas rend visite à Hugo à Guernesey et choisit de rentrer en France dès l’amnistie de 1857 ; Hugo adresse de violents reproches à son ami rentré en France et qui avait sollicité de Napoléon III la Légion d’Honneur pour Van Hasselt; les deux hommes ne se reverront plus. À la mort de son père, en 1872, Hugo écrit à A.Dumas fils : |
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Pour terminer, cette relation de la "Bataille d'Hernani" par Théophile Gautier: | |
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Grandville, La Bataille d'Hernani |
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