Les pas qui s'en allaient jadis
Et du champ à la grange et de l'étable au puits,
Les pas qui s'en allaient par la sente sauvage,
Le dimanche matin, à la messe, au village,
Fuient aujourd'hui
De route en route, â l'infini.
De toutes parts
Les gens partent vers les hasards
Il en est qui s'en vont poussant sur leur charrette
Le lit, le matelas, le banc, la chaufferette,
Et la cage déserte où mourut le pinson;
D'autres chargent leur dos de vieilles salaisons
Qu'un voile épais et gris défend contre les mouches.
J'en ai vu qui tenaient une fleur à la bouche
Et qui pleuraient, sans rien se dire, atrocement.
Des vieux passent, serrant leur deuil et leur tourment,
Et les mères sont là, pauvres, mornes, livides,
Laissant mordre l'enfant à leur poitrine vide.
Les gens qui vont et fuient
Poussent devant leurs pas et leur porc et leur truie,
Et leur chèvre et leur vache au corps lourd et ballant;
Parfois les suit encore un long troupeau bêlant
Dont la plainte s'enfonce immensément dans l'ombre.
Des chevaux harassés traînent des chars sans nombre
Et les bêtes et les hommes ainsi s'en vont
Vers l'affreuse détresse et le malheur profond,
Se rapprochant et se parlant comme naguère,
avec des mots qu'entend la terre
Depuis toujours. |
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