Le fantastique

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Caractéristiques

1. Les éléments constitutifs

Éléments constitutifs

Fantastique et autres "genres"

Thèmes

Structures

La littérature fantastique relève de la fiction, ce qui signifie que l’auteur et le lecteur savent que les événement racontés sont imaginaires, qu’il y a production consciente d’une œuvre esthétique.

Le fantastique littéraire comporte deux éléments fondamentaux :

  • un récit

o        Souvent écrit en « je » (chronologie, reportage ou récit a posteriori) il est aussi parfois plus rarement en « il ».

o        Les « non personnes » sont importantes et décrites de manière vague (il, la chose, quelque chose…).

o        La description des lieux et des personnes joue un rôle essentiel.

o        Le vocabulaire fait appel à de nombreux motifs intertextuels reliés à des croyances anciennes, des personnages mythiques…

o        Il s’agit le plus souvent de nouvelles, de contes, c’est-à-dire de récits courts, bien que des romans parfois très longs existent également.

  • la peur (on lira avec intérêt la définition que Lovecraft en donne)

o        C’est le moteur de la narration.

o        Elle  renvoie à l’angoisse de l’homme qui ne peut maîtriser totalement le monde dans lequel il vit; il s’agit du rappel d’une terreur primitive.

o        Dans la littérature fantastique, cette peur provient de l’imaginaire, de l’incertitude et de la présence du danger.

o        La peur est provoquée par l’irruption d’un événement en apparence surnaturel dans un univers qui ne connaît que les lois naturelles.

Par ailleurs, pour T.Todorov[1], trois conditions sont essentielles :

  • Le texte doit faire en sorte que le lecteur

o        considère le monde des personnages comme réel,

o        hésite entre une explication  rationnelle des événements qui s’y produisent et une explication surnaturelle.

  • Cette hésitation est également ressentie par un personnage dont le lecteur devient une sorte de relais.

  • Le lecteur écarte l’interprétation symbolique ou allégorique. Cette dernière condition n’est toutefois pas obligatoire mais souvent présente.


[1] Todorov, Introduction à la littérature fantastique, Paris, Seuil, 1970.

2. Distinguer le fantastique des « genres » voisins

La première remarque fondamentale à faire est que le fantastique ne peut absolument pas se confondre avec des pratiques comme la magie, l’occultisme, la superstition… basées sur la croyance en un ailleurs. On ne répétera jamais assez que le fantastique est fiction.

T.Todorov[1] définit le fantastique comme « l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel » et comme la durée seule de cette hésitation ; partant de là, il distingue cinq catégories de récit proches :

  • le fantastique pur,

  • le fantastique étrange : une explication rationnelle finale est donnée,

  • l’étrange pur : des événements insolites ont lieu qui suscitent la peur,

  • le fantastique merveilleux : le surnaturel est accepté,

  • le merveilleux pur : il n’y a aucune surprise.

Mais, dans le contexte scolaire qui est le nôtre, on préférera suivre P.Yerlès et M.Lits[2] qui, indiquent qu’il existe une continuité entre merveilleux, fantastique et science-fiction, celle de proposer une réflexion sur l’homme, ses pouvoirs et ses inventions.

Comment distinguer le fantastique du merveilleux ?

  • Le merveilleux accepte le critère d’irréalité :

o        « il était une fois » : le récit est détaché de tout référent spatio-temporel identifiable,

o        les personnages féeriques sont considérés sans étonnement parce que le lecteur sait qu’il est plongé dans un monde différent qu’il accepte avec ses conventions.

  • Les actions nombreuses se concluent selon une logique satisfaisante pour le lecteur et les personnages.

  • Au contraire, le fantastique est ancré dans un univers réaliste, au cadre spatio-temporel identifiable. La conclusion du récit est rarement satisfaisante.

Comment distinguer le fantastique de la science-fiction ?

  • La SF veut mettre en place un monde nouveau basé sur des hypothèses scientifiques ou pseudo-scientifiques rationnelles. Aujourd’hui elle exploite également les découvertes des sciences humaines.

  • Toutefois, il arrive que la science serve de point de départ au fantastique mais, dans ce cas, la suite du récit ne s’inscrit pas dans un développement rationnellement satisfaisant.

  • Le fantastique s’insinue dans les failles du quotidien, exploite ses ambiguïtés.

  • Tandis que la SF est une projection dans le temps et des ailleurs hypothétiques, le fantastique est inscrit ici et maintenant et brouille les catégories.

Pour L.Vax[3], il faut également distinguer le fantastique de la poésie qui est transfiguration du réel, de l’horrible et du macabre qui appartiennent à la réalité, du policier, du tragique bien que, souvent, le héros fantastique soit tragique dans l’horreur qu’il a de lui-même, de l’humour, le rire permettant de se venger de la peur, de l’allégorie, de la psychanalyse…


[1] T.Todorov, Op.citat.

[2] Pierre Yerlès et Marc Lits, Le fantastique, Vade-mecum du professeur de français, Didier-Hatier, Bruxelles, 1990

[3] Louis Vax, L’Art et la littérature fantastiques, Paris, Puf, coll. Que sais-je ?, 1974

3. Thèmes fantastiques

Permettant des lectures diverses – symboliques, mythiques, psychanalytiques…– l’ancrage dans l’imaginaire se manifeste à travers des figures et des thèmes récurrents dont des listes plus ou moins longues ont été établies par de nombreux spécialistes. Remarquons toutefois que la présence de l’un ou l’autre de ces thèmes est insuffisante pour considérer un texte comme fantastique, c’est le danger du catalogue qui ne met assez en évidence le traitement du thème qui crée le sentiment, la tension de l’esprit entre rationnel et irrationnel.

L’écrivain argentin Borgès recense 4 thèmes :

  • l’œuvre d’art contenue dans l’œuvre elle-même,

  • la contamination du réel par le rêve,

  • le voyage dans le temps,

  • le dédoublement.

Se référant à C.Jung, Vax cite sept motifs :

  • le loup-garou mais aussi la métamorphose en d’autres animaux. La bête étant un aspect de nous-mêmes qui refuse la sagesse et les vertus sociales, la bête fantastique a domestiqué la raison et l’utilise à des fins mauvaises, ce qui mène à la sauvagerie et à la perversion.

  • le vampire. C’est un être ambivalent qui horrifie et fascine par l’idée qu’il est possible de prolonger sa vie en prenant celle d’autrui. S’y ajoutent les idées de viol et de meurtre mais aussi une image de la femme comme objet de séduction et de perdition. C’est toute l’ambivalence de la mort et de la sexualité.

  • les parties séparées du corps humain

  • les troubles de la personnalité. L’homme a cessé d’utiliser sa perception pour l’action ou la connaissance, il subit la présence opaque et lourde des choses. On rangera dans cette catégorie la folie, la drogue, le sommeil censé libérer des activités automatiques et donc plus profondes ou primitives. L’inquiétude augmente quand apparaissent des troubles physiques.

  • les jeux du visible et de l’invisible. L’âme devient visible (spectres) ou, au contraire, le corps devient invisible (maisons hantées par des présences).

  • l’altération de la causalité, de l’espace et du temps. L’espace est discontinu, individuel ou quadridimensionnel.

  • la régression : portraits animés, statues maléfiques, jardins abandonnés, demeures désertes…

 La liste de Caillois est plus longue encore.

On remarquera que certains motifs sont très fréquemment exploités.

  • Le miroir est pour Lacan une étape essentielle dans le développement de la personnalité mais s’il est trop utilisé, le narcissisme guette. Pour celui qui le fixe trop longtemps, c’est la peur qui naît de l’inquiétude devant sa propre image. Celle-ci peut être :

o        un double de lui-même,

o        opaque, c’est le vide, la non-existence, l’opposition du mort et du non-mort.

  • Le double peut signifier

o        le moi se divise en deux et je perds une partie de moi-même,

o        un autre moi-même semblable m’entraîne dans le labyrinthe.

  • L’œuvre d’art est fascinante parce que s’y joue la frontière entre le réel et sa représentation, souvenir des tabous culturels et religieux de la représentation humaine.

  • Le rêve plus vrai que le réel est lié au sommeil, à la folie, à la mort et aux paradoxes spatio-temporels.

  • Le diable.

Enfin, il est important de noter que le lieu où se déroulent les événements fantastiques est souvent essentiel : c’est un lieu de fracture qui abrite des terreurs et qui est en même temps vraisemblable.

4. Structure du récit fantastique

Le récit fantastique présente une organisation relativement récurrente, ce qui rend possible l’utilisation de « grilles d’analyse » . La plus souvent utilisée est la suivante :

1.

Une introduction : un ou des personnages sont présentés dans un cadre banal et réaliste qui contribuera à authentifier l’histoire et à permettre éventuellement au lecteur de s'identifier au héros. Il arrive que le narrateur explique comment il est amené à raconter cette histoire.

2.

Un ou des avertissement(s): quelqu'un ou quelque chose avertit le héros qu'il ne doit pas faire ce qu'il projette de faire; ou bien, on lui communique des règles à suivre, des interdits.

3.

Une transgression : le héros ne tient pas compte des avertissements, il «s'en moque».

 Ou bien, il transgresse volontairement ou involontairement des règles établies, des habitudes.

4.

Une aventure fantastique : le héros ayant «transgressé» les règles, est entraîné dans une aventure. De petits faits de plus en plus nombreux et de plus en plus étranges se produisent. Le héros tente de se raisonner. Les événements engendrent le plus souvent une interrogation, une angoisse puis une peur ou une panique.

5.

Une sanction : le retour au quotidien qui marque la fin du récit fantastique n'est pas heureux. Le héros du récit fantastique meurt ou reste marqué négativement par les événements vécus. Il en garde souvent une trace.

On maniera toutefois avec prudence les grilles qui ne peuvent occulter la richesse du traitement littéraire du texte et doivent être envisagées avec souplesse, les textes de qualité ne se laissant pas facilement étiqueter ni réduire à des tableaux.