Exploitations pédagogiques : Don Juan 

niveau: 3e degré

III. Dom Juan, une pièce au genre complexe

Objectifs:

  • Faire découvrir la complexité de l’œuvre et la variété des tons,

  • Travailler la pièce "de l'intérieur"

travail inspiré du dossier dramaturgique de Fl.Gamblin et M.Vinaver dans Molière, Dom Juan, Actes Sud, collection répliques.

Texte:

Molière, Dom Juan, Acte I, scène 3

Déroulement:

1. Importance de la scène:  

Il s'agit de la première rencontre entre Elvire et  Dom Juan depuis la fuite de celui-ci (ils se reverront à la scène 6 de l'acte IV). Pour le spectateur, c'est l'occasion de voir Dom Juan en action après sa grande définition de l'amour à la scène précédente.

On travaillera la scène fragment par fragment.

2. 1ère partie: les 3 premières répliques

a) Après la lecture des 3 répliques, on demandera aux élèves de mettre en scène les deux personnages.

¤ La 1ère réplique d'Elvire: elle supplée en partie l'absence de didascalies: "puis-je espérer que vous daigniez tourner le visage de ce côté?" 

On devrait aboutir à l'idée d'un jeu très statique, Dom Juan tournant le dos à Elvire. Cette situation affaiblit la jeune femme qui va s'efforcer de capter le regard de son mari. 
¤ La longueur des répliques est frappante: Elvire parle en répliques longues tandis que Dom Juan se contente d'une phrase lapidaire. C'est à nouveau un signe de faiblesse de la part de la jeune femme. Le silence de Dom Juan devra être mis en évidence: il attend avec impatience d'être débarrassé de cette gêneuse qui l'empêche de vaquer à une nouvelle séduction.

b) La tirade d'Elvire

Tandis que son contenu est d'une grande violence, l'ironie est frappante: faire repérer aux élèves:

  • le procédé de l'ironie,

  • l'importance de l'emploi des temps: avant - mais enfin...

On résumera les idées développées.

c) La tirade d'Elvire, l'aspect statique de la scène évoque irrésistiblement le ton tragique.

3. 2e partie: jusqu'à "Madame à vous dire la vérité"

Mise en scène de l'extrait:

  • Les élèves devraient remarquer la rupture de ton marquée par la succession de répliques courtes et l'importance des didascalies: on est dans un autre genre théâtral: la farce. 
    En effet, la machine comique se met en route: Elvire entre même dans le jeu malgré l'aspect incohérent de l'échange.

  • Bientôt pourtant une nouvelle rupture se fait jour: Dom Juan menace Sganarelle. Le jeu devient cruel: Dom Juan éprouve une jouissance à faire le mal.

  • Mais Sganarelle enchaîne en reprenant le discours de Dom Juan à la scène précédente: les deux complices sont égaux dans la pirouette finale.

Psychologiquement, les deux personnages ne sortent pas grandis de ce fragment où s'est révélée leur complicité dans la cruauté.


4. 3e partie: la tirade d'Elvire

a) Mise en scène de l'extrait: de nouveau les didascalies sont absentes et remplacées par les paroles du personnage

b) C'est une nouvelle attaque qui ressemble à la première mais cette fois, Elvire se fait l'avocat du diable ou plutôt de Dom Juan, prononçant une véritable plaidoirie avec exorde - développement - péroraison.. 

  • Relevez les arguments qu'elle lui suggère d'utiliser: 

    • les sentiments de dom Juan n'ont pas changé, ("mêmes", "toujours")

    • son éloignement lui a été imposé,

    • il a envie de revenir à elle. 

Elle manifeste là plutôt son désir que sa conviction.

·       On remarquera l'allongement des phrases, la multiplication des "que" au fur et à mesure que son discours se heurte au silence de Dom Juan. Cela ajoute de la majesté au propos.

On constate un retour à la tonalité tragique.

5.5e partie: la tirade de Dom Juan

On remarque la multiplication des négations et la répétition des termes du champ lexical du langage. De cette façon, Dom Juan apporte un démenti aux paroles d'Elvire, réduisant à néant ses espérances.

Son hypocrisie triomphe dans l'explication qu'il donne: il a agi dans son intérêt!

6. 6e partie: fin de la scène

Cette partie du registre de la tragédie parce que le héros accède à la connaissance de son infortune (on pourra comparer avec Phèdre de Racine). Son choix est alors de se venger ou de désespérer. Elvire refuse d'accepter les explications de Dom Juan: elle le maudit.

Tout, dans son discours relève de la tragédie, c'est-à-dire du destin tracé:

  • le registre

  • la thématique

  • le lexique

7. Conclusion

Deux questions viennent à l'esprit:

  • comment un personnage aussi uniformément voué à faire le mal peut-il nous intéresser?

  • quel est le jeu de Sganarelle: son salaire ou sa peur peuvent-ils justifier qu'il reste avec un pareil maître?

C'est la preuve que nous avons affaire à une oeuvre d'une grande complexité. Nous seulement dans sa structure qui mélange les genres mais également dans la psychologie de ses personnages. 

On a ainsi vu, dans cette scène une double évolution:

  • Elvire passe de l'amour et de l'étonnement au désespoir et à la fureur,

  • Don Juan de l'embarras à l'aisance finale: c'est fini, il s'ennuyait et s'est offert un divertissement.

© F.Chatelain