Présentation
Historique
Même si on peut dater précisément la naissance littéraire du mythe - le Séducteur de Séville de Tirso de Molina en 1630 -, des racines plus anciennes et diverses existent, faisant, de don Juan, un mythe composite.

Ainsi la mythologie antique connaît plusieurs séducteurs comme Zeus, Alcibiade ou Thésée. On peut également considérer L'Art d'aimer d'Ovide comme un manuel de la séduction. Par ailleurs, on trouve, dans le mythe, le souvenir de légendes archaïques comme celle du "Mort punisseur" et de rites anciens tels que le "repas d'offrande". Un conte populaire breton dont il existe 300 versions raconte également qu'un marié traversant un cimetière le soir de ses noces invita une statue de pierre au festin. Toutefois la conjonction des différents thèmes paraît difficile en dehors du monde chrétien puisque certains  présupposés qui lui sont liés sont obligatoires: l'existence de l'Enfer ainsi que l'idée de péché lié à la mort et à la rédemption. 

D'autre part, un personnage réel présente certains traits communs avec Don Juan. Don Miguel de Mañara (1627-1679) riche sévillan d'origine corse et favori de Pierre le Cruel, comte de Villamediana, se convertit et entra dans la Confrérie de la Charité après une vie de débauche. Si, en raison de son âge, il est exclu que Mañara ait pu influencer Tirso de Molina, en revanche, il a eu un impact sur des versions ultérieures.

Le panorama historique qui suit est loin d'être exhaustif tant Don Juan a inspiré d'oeuvres diverses .

Dans le Séducteur de Séville (1630), l'espagnol Tirso de Molina compose une pièce baroque qui met surtout en évidence la tromperie du libertin. 

Le mythe se déplace ensuite vers la France et l'Italie. C'est sans doute par le biais des Italiens que Molière le rencontre. Sa version - peut-être la plus connue - Dom Juan ou Le Festin de pierre (1665), connaîtra un destin tout à fait exceptionnel. Elle met en scène un Don Juan différent, produit lui aussi de son époque, séducteur et libertin philosophique.

Le XVIIIe siècle nous offre quelques textes assez conventionnels de diverses origines mais c'est sans contexte le Don Giovanni de Mozart sur un livret de Da Ponte, en 1787, qui constitue la version la plus intéressante du siècle, revivifiant le mythe. Il fait en effet, de don Juan, un héros au-delà du bien et du mal, précurseur du Don Juan romantique.

Le XIXe siècle est particulièrement fécond en versions nouvelles: Don Juan de Byron est le prototype du héros romantique. A la même époque, Ch.D.Grabbe écrit Don Juan et Faust, dans une conception prométhéenne, proche de celle de Mozart. La nouvelle Les Ames du Purgatoire (1834) de Mérimée s'inspire clairement de la vie de Don Miguel de Mañara et introduit l'idée de conversion et de rédemption. Don Juan Tenorio de Zorilla en 1844 nous le montre sauvé par l'amour, tandis que le poème de Nikolaus Lenau, Don Juan, en 1851, en fait un homme en quête d'idéal. Outre le poème des Fleurs du mal, "Don Juan aux Enfers", Baudelaire envisagea d'écrire un drame intitulé La Fin de Don Juan et Flaubert lui-même rédigea un projet de roman, Une nuit de Don Juan.

O.V.Milocz préfère Miguel de Mañara en 1911-12, qu'il nous montre affamé d'absolu et destiné à Dieu. Au XXe siècle, le sujet inspirera également des essais comme Don Juan et le double du psychanalyste Otto Rank en 1914-1922. 
Brecht, Frisch, Montherlant, Ghelderode... apporteront, à la question cruciale: "quel moyen Don Juan trouverait-il aujourd'hui de choquer la morale?", des réponses qui passent souvent par la dérision. 

Enfin, au cinéma, Roger Vadim fera de Don Juan une femme et lui donnera les traits de Brigitte Bardot.