Interprétation:
Le conte de fée met carrément l'enfant en
présence de toutes les difficultés fondamentales de l'homme (B.Bettelheim,
Psychanalyse des contes de fées, Laffont).
Aujourd'hui les recherches des sciences humaines (psychanalyse, l'ethnologie,
sociologie) permettent de considérer les contes sous un éclairage nouveaux, de
découvrir les relations qui existent entre les contes de diverses parties du
monde.
Par exemple, selon un article
paru dans la NRP de février 1989, un classement des contes selon leur
structure permet des interprétations différentes: cette structure est basée
sur des variantes dans:
- la situation initiale (qui est
par définition négative et problématique):
- soit le héros (ou ses parents) commet une faute, c'est-à-dire la
transgression d'un interdit initial et il y a punition, c'est-à-dire mort
symbolique (ex.: La Belle au bois dormant),
- il n'y a pas de faute mais une situation problématique (ex.: Peau
d'âne),
- l'aventure:
- soit un sauveur intervient pour délivrer le héros (ex.: La Belle au
bois dormant),
- soit il s'agit d'une quête (ex.: Peau d'âne),
- la situation finale est
généralement le mariage royal sauf quand l'âge du héros ne le permet pas
(Le Petit Poucet) ou qu'il s'agit de personnages particuliers (Les
trois petits cochons).
En fonction de ce qui précède,
le magazine propose donc les structures suivantes:
- 1ère structure :
"Faute + sauveur" (ex.: La Belle au bois dormant): il
s'agit de la reprise du concept biblique du péché originel qui entraîne
la punition et le salut grâce à l'intervention d'un sauveur. S'ajoute à
cela, l'idée que la mort n'est pas une fin.
- 2e structure:
"Quête": l'accent est mis sur les mérites personnels du
héros; on distinguera 4 formes de quête:
- la quête initiatique (ex.: Le Petit Poucet)
De nombreuses civilisations proposent des rites de passage pubertaires; il
s'agit pour l'adolescent d'abandonner le monde de l'enfance, c'est-à-dire
de connaître une mort symbolique, pour renaître en tant qu'adulte,
c'est-à-dire apte au mariage. Il est fréquent, dans les sociétés
primitives que les adolescents soient, durant cette phase d'initiation,
isolés dans la "maison des hommes", c'est-à-dire un lieu qui
échappe aux lois communes de la communauté, d'où ils reviendront quand
ils seront capables de subvenir aux besoins d'une famille (le plus souvent,
tuer un animal pour se nourrir).
Ce passage est fréquemment symbolisé, dans les contes, par une grotte, une
caverne où le héros trouvera refuge (on se souviendra aussi de l'épisode
de la grotte dans Le Parfum de P. Süsskind) ou bien il y affrontera
des dangers (brigands, ogre...),
- la quête héroïque
C'est l'archétype de certains exploits mythologiques (Thésée), du
western, du "space opera". Le héros est appartient à la classe dominante
(fils de roi ou de seigneur), il va accomplir des épreuves, qui sont des
duels à l'épée contre des égaux ou des personnages magiques,
monstrueux... Son but est de mériter la princesse, c'est-à-dire de devenir
roi selon le mode archaïque de transmission du pouvoir. Son opposant est le
vieux roi qui ne veut pas abandonner le trône.
On y voit aussi l'illustration moralisatrice de la lutte du bien contre le
mal.
- la quête populaire (ex.: Le chat botté)
Le héros appartient à la classe des dominés; si ses objectifs sont les
mêmes que ceux du héros de la quête héroïque, son arme est la ruse. Sa
filiation sera le personnage de renard dans le Roman de Renart, les
fables de La Fontaine... ou encore le Panurge de Rabelais.
- la quête féminine (ex.: Peau d'âne)
C'est le modèle des histoires d'amour. L'héroïne est dominée (parfois
une cadette) et est douée de toutes les "vertus féminines" traditionnelles
(bonté, beauté, modestie, vertus ménagères, abnégation,
obéissance...). Son but est de faire un beau mariage; pour y parvenir, elle
affrontera des épreuves qui consisteront à résister aux tentations.
- 3e structure: "Faute +
quête" : (ex.: La Belle et la Bête)
Il s'agit d'un rachat dont l'origine est tardive, puisqu'il c'est le
discours de l'Église aux XIe et XIIe siècles, inspiré par les théories
néo-platoniciennes. Un bel exemple en est Éros et Psyché.
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